Evaluer les changements dans l’équation palestinienne

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Kamala Harris. Foto Senate Democrats - IMG_9254, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=81828366
Kamala Harris. Foto Senate Democrats - IMG_9254, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=81828366
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Les accords récents signés entre Israël et trois pays musulmans requièrent d’opérer de nouvelles évaluations, fondamentales pour mieux saisir la position stratégique du pays. Elles devraient être conduites  en conjonction avec une re-vérification de ses buts politiques. Pourtant, il n’y a que très peu qui semble être fait en ce sens, jusqu’à présent, dans le domaine public israélien.

Par Manfred Gerstenfeld

Ce serait une erreur monumentale si, en Israël, les autorités ne réfléchissaient pas simultanément sur ce que ces bouleversements peuvent signifier pour l’avenir des Palestiniens. Il n’y a que si Israël comprend ce qui peut se produire dans les territoires de ses ennemis qu’il pourra au mieux définir le sens de ses propres actions.

Les producteurs de lieux communs, en particulier dans le monde occidental, continuent de répéter et répéter encore leurs anciens mantras à faible portée car si peu réfléchis. Le plus fréquent reste : « Malgré ces accords de paix, Israël devra encore négocier avec les Palestiniens autour de la solution à deux Etats ».

L’une des postures les plus hideuses vient d’être adoptée par la personne qui devrait très bientôt devenir la vice-Président démocrate des Etats-Unis : Kamala Harris. Elle a annoncé dans une interview avec le site d’actualités américano-arabes que, dans le cadre d’une administration Biden, les Etats-Unis renouvelleraient les relations (et les financements) avec les Palestiniens.

Ce n’est pas, en soi, aussi problématique. Pourtant, au-delà de cela, Harris a déclaré que l’Administration Biden s’opposera  » à toute action unilatérale israélienne qui sape la solution à deux-Etats ». Sa déclaration disant que l’Administration Biden prendra des mesures immédiates pour restaurer « l’assistance économique et humanitaire » est particulièrement insensée.

En pratique, cela traduit par le fait que les Etats-Unis vont, à nouveau, donné beaucoup d’argent à l’Autorité Palestinienne, qui récompense financièrement les tueurs d’Israël -ou leurs familles, si les terroristes ont été tués. D’autre part, on ne peut pas plus exonérer le mari juif d’Harris, Douglas Hemhoff, de malfaisance. Il s’est fortement exprimé pour convaincre les électeurs juifs de voter pour les Démocrates, tout en sachant pertinemment que sa femme cherche à récompenser les meurtriers de Juifs. L’assistance financière américaine aux Palestiniens les aidera aussi à maintenir leur voie du rejectionnisme.

Certains producteurs de lieux communs en forment le noyau dur, quand ils pensent que la solution à deux Etats peut même prendre plus d’une génération. Il est important de comprendre à quel point une telle idée est aberrante. C’est la pire des mauvaises évaluations que de considérer, dans un monde dynamique, où les changements apparaissent constamment, que l’idée qu’une telle approche continuera d’être la dominante durant des décennies.

Un certain nombre d’autres possibilités sont, de plus en plus, devenues possibles, grâce aux accords de paix  avec les Emirats Arabes Unis, le Bahrein et le Soudan. Dans leur sillage, la critique des actions et attitudes des Palestiniens, et, en particulier, de leurs cercles dirigeants, n’a fait que croître. La mention de la corruption palestinienne au sommet et du manque d’intérêt pour le sort de la population palestinienne n’est plus taboue, dans certains cercles arabes.

Il peut y avoir des changements dans les attitudes relatives au financement des Palestiniens dans des pays comme les EAU, et peut-être même l’Arabie Saoudite. Pourquoi continueraient-ils à financer des escrocs rejectionnistes? Pourtant, d’autres pays comme le Qatar poursuivront vraisemblablement leur financement. La Turquie et l’Iran maintiendront, de leur côté, leur incitation contre Israël.

Une autre question importante à examiner consiste à savoir si des changements importants auront lieu au sein de la société palestinienne elle-même. Entendra t-on se manifester des voix de tout premier plan offrant une alternative? A l’époque de la Seconde Intifada, des leaders locaux palestiniens auraient aimé être parmi les négociateurs avec Israël dans ce qu’on a fini par connaître sous le nom de processus d’Oslo. Pourtant, ils ont dû donner la priorité à la personnalité écrasante de Yasser Arafat.

A quel point la situation d’Abbas, âgé de 84 ans, est précaire? Il a été élu pour un mandat de 4 ans, en tant que Président de l’Autorité Palestinienne, et, à présent, il entre dans sa quinzième année à ce poste. Est-il concevable que l’AP se désintègre en conséquence des accords de paix? Dans diverses villes de Cisjordanie, des tribus et clans locaux sont puissants. Est-il imaginable qu’Israël se retrouve confronté, au lieu de l’AP, à un certain nombre de ces dirigeants locaux?

Cela pourrait bien créer une  opportunité intéressante pour Israël. Depuis un certain nombre d’années, l’universitaire Mordechaï Kedar fait la promotion de la notion « d’émirats palestiniens ». Au lieu d’un Etat palestinien, un certain nombre d’entités tribales palestiniennes locales, pourraient être créées. Cela devient une probabilité en quelque sorte plus réaliste. Cela signifierait aussi la mort de la solution à deux Etats.

Selon les sondages, il existe aussi un soutien substantiel, au sein de la société palestinienne, pour une confrontation violente avec Israël. La politique suivie par le Hamas n’est pas si différente que cela de celle des terroristes musulmans qui ont à nouveau assassiné en Europe. Tous ces gens pensent que l’Islam est la seule idéologie/ religion valable et qu’il doit conquérir le monde par l’épée.

Il y a pourtant un autre facteur à prendre en compte. S’il y a du désordre au sein de l’Autorité Palestinienne, -et même encore plus jusqu’à un certain chaos – la Jordanie repensera t-elle sa position envers la Rive Ouest du Jourdain? C’est, bien entendu, loin d’être idéal pour les Jordaniens, de prendre la responsabilité pour encore plus de Palestiniens qu’ils n’en ont déjà dans leur propre pays. Dans une situation très instable, on peut avoir à choisir entre deux mauvaises alternatives. Certains autres arrangements avec l’aide internationale ou des Arabes est aussi possible, par exemple, l’autonomie palestinienne avec des liens à la Jordanie.

Il reste une possibilité distincte qu’il y aura des pressions pour une « solution à un seul état », de la part des Palestiniens. Il serait extrêmement mal avisé qu’Israël suive les désidératas de ses plus fervents annexionnistes, parce que cela rendrait la solution à un seul Etat possible. Cela signifierait aussi la fin de l’Etat Juif. Aujourd’hui, il existe une opposition massive à la solution à un Etat en Israël et heureusement, cela demeurera ainsi.

Alors que le temps passe, nous aurons probablement plus d’indices sur la façon dont les choses évoluent au sein de la société palestinienne et dans quelle direction elle peut aller. Pourtant, on ne peut que l’employer à l’avantage d’Israël, si on commence à cartographier, même de manière très schématique, les grandes avenues de ce qui peut arriver. Cela pourrait constituer une part essentielle de la stratégie en développement d’Israël.

Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme. Adaptation: Marc Brzustowski. Première publication par Jforum.fr