Les stéréotypes sur les ultra-orthodoxes et les Juifs en général

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Les policiers israéliens retirent les hommes ultra-orthodoxes de la yeshiva de Ponevezh à Bnei Brak, dans le cadre d'un effort pour imposer un verrouillage afin d'empêcher la propagation du coronavirus le 2 avril 2020. Foto Flash90
Les policiers israéliens retirent les hommes ultra-orthodoxes de la yeshiva de Ponevezh à Bnei Brak, dans le cadre d'un effort pour imposer un verrouillage afin d'empêcher la propagation du coronavirus le 2 avril 2020. Foto Flash90
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Au cours de l’explosion de la pandémie de Coronavirus, on a assisté à des attaques verbales acides , alimentées par des stéréotypes contre les ultra-orthodoxes en Israël[1. https://www.nydailynews.com/opinion/ny-oped-jews-coronavirus-antisemitism-20200408-4arvpei6wvd4td7eyqxpjfhaka-story.html] [2. http://www.israeltoday.co.il/read/jews-are-being-blamed-for-the-coronavirus]. Ceux-ci supposent implicitement  que tous les ultra-orthodoxes ou presque négligent les instructions du gouvernement visant à minimiser les risques sanitaires et dommages épidémiques émanant du virus Corona. Les statistiques  sur le nombre de malades et contaminés au sein de certaines communautés ultra-orthodoxes sont substantiellement plus élevées sur la base “par milliers d’habitants” que dans le reste de la société israélienne en général. Pourtant, on ne fait là référence qu’à un pourcentage limité des citoyens ultra-orthodoxes.

Par Manfred Gerstenfeld

Aux Etats-Unis, le nombre de malades et de pertes humaines parmi les Juifs ultra-orthodoxes sont aussi plus élevés que dans la société en général. Un des cas stéréotypés qui a fait le plus de bruit s’est déroulé quand on a appelé un Juif hassidique à quitter un centre de services Toyota à Goshen à New York, parce qu’il “propageait le virus[3. http://www.theyeshivaworld.com/news/general/1842063/watch-it-despicable-anti-semitism-hasidic-jew-denied-service-at-toyota-you-are-spreading-the-virus.html]“.

Eviter de produire des stéréotypes ne signifie pas qu’on ne peut pas ou ne doit pas condamner énergiquement des individualités politiciennes et, en particulier, des rabbins qui encouragent leurs communautés à rompre avec les lignes directrices gouvernementales. Même ces Rabbins dont on n’entend pas la voix devraient être condamnés là où leurs fidèles consultent habituellement leurs dirigeants à propos de toutes les décisions importantes. Pas plus qu’il n’y a aucun tort à décider d’appliquer des mesures plus strictes de confinement dans des zones  ayant une moyenne supérieure du nombre d’infectés.

Le recours aux stéréotypes est une façon primitive et souvent dangereuse de qualifier les actions des gens, fondée sur l’ethnicité et l’appartenance au groupe d’origine. C’est fondé sur des préjugés majeurs qui ont circulé durant près de deux millénaires. Les Juifs devraient donc être les tout-derniers à employer des préjugés. Aucune autre religion n’a enduré autant de stéréotypes à travers l’histoire.  De lon, c’est du monde chrétien que sont venues les attaques les plus durables et blessantes.

Pourtant, même avant l’époque chrétienne, on trouve déjà un exemple extrême de stéréotype dans le Tanach. Dans le livre d’Esther, nous lisons que Mordekhaï a refusé de s’agenouiller devant Haman. Haman n’a pas considéré que Mordekhaï adoptait un comportement individuel répréhensible[4. Livre d’Esther, chapitre 3, verset 3]. Au lieu de cela, il a stéréotypé tous les Juifs et demande au Roi de Perse la permission de commettre un génocide contre eux.

Dans ces politiques antijuives, le Christianisme a développé ce qui correspond peut-être au pire concept malveillant de stéréotypes de longue durée dans toute l’histoire. Les Juifs ont été tenus pour responsables, tout au long des siècles, de la mort de Jésus, le prétendu “fils de D.ieu”, selon eux. (Les hommes ne naissent-ils pas innocents?). C’était une accusation radicalement fausse. Même les quelques rares Juifs qui assistèrent au procès de Jésus ne pouvaient pas le condamner à mort. A cette époque, il n’y avait que les occupants romains qui avaient le pouvoir, ainsi que celui de mettre à mort.

Il y a encore beaucoup de dizaines de millions de Chrétiens qui croient profondément en ce mensonge, jusqu’à aujourd’hui. Un sondage de 2005, commandité par la Ligue contre la Diffamation, demandait si les Juifs étaient responsables de la mort de Jésus? 19% des Belges, 21% des Danois et 19% des Suisses interrogés ont répondu par l’affirmative[5. “ADL Survey: Attitudes Toward Jews in 12 European Countries: Country by Country Results,” Anti-Defamation League, June 7, 2005.]. Un sondage en Europe de l’ADL en 2012 a posé la même question : on a découvert que, parmi les sondés, 18% des Autrichiens, 14% des Allemands, 38% des Hongrois, 15% des Italiens, 16% des Hollandais, 19% des Norvégiens, 46% des Polonais, 21% des Espagnols et 18% des Britanniques croyaient en cette idée fausse[6. “Attitudes Toward Jews In Ten European Countries,” Anti-Defamation League, March 2012.]. Dans une enquête de 2011, en Argentine, 22% accusaient également les Juifs d’avoir tué Jésus[7. “Attitudes Towards Jews in Argentina,” Anti-Defamation League, Delegation of Argentine Jewish Associations, and Gino Germani Research Institute, September 2011.]. Une étude ADL de 2013 a découvert que 26% d’Américains croient que les Juifs ont tué Jésus[8. www.jpost.com/Jewish-World/Jewish-News/Poll-26-percent-of-Americans-believe-Jews-killed-Jesus-330341]. Être d’accord avec cette assertion donne un exemple typique d’antisémitisme extrême à travers le maintien du stéréotype. C’est une croyance criminelle.

Les stéréotypes à propos des Juifs se sont propagés à travers les âges. Rothschild et le fictif Shylock ont servi de personnages iconiques utilisés par les incitateurs à la haine des Juifs. Plus tard, les Allemands sous Hitler ont stéréotypé les Juifs comme des sous-hommes, des insectes ou des bactéries.

Faire porter la responsabilité sur une ethnicité à travers les générations rend impossible le fonctionnement adéquat de toute société civile. Rarement, ce vaste éventail de fausses accusations n’a été contré aussi nettement que par le diplomate israélien David Zohar. Il était stationné en Norvège, il y a quelques décennies et s’est retiré depuis longtemps.

Zohar raconte l’histoire de la fois où il avait été invité à parler de la stratégie militaire d’Israël aux Quartiers-Généraux de l’armée norvégienne. Au moment du temps consacré aux questions, l’un des généraux  a demandé pourquoi les Juifs avaient-ils “crucifié notre Seigneur”. Zohar a demandé à l’interrogateur ce que cela pouvait bien avoir à faire avec les sujet du débat. Le général lui a répondu qu’il avait saisi cette opportunité de poser cette question , parce que le diplomate était le premier Juif qu’il ait jamais rencontré et qu’il pouvait probablement lui apporter une réponse , puisque ses ancêtres étaient probablement coupables. Zohar a alors suggéré que le général appelle l’ambassadeur d’Italie, puisqu’il devait sûrement être un descendant des Romains qui avaient prononcé le verdict[9. David Zohar, personal communication].

Ne pas stéréotyper les ultra-orthodoxes est un fil directeur que les Juifs devraient suivre constamment. Ou dans ce domaine, les Arabes Israéliens ou d’autres. Nous savons, grâce à une étude ADL que 49% des Musulmans dans le monde sont antisémites, bien plus que de Chrétiens ou de laïcs. Israël et ses alliés ne devraient pas tomber dans le piège grossier de la généralisation et des stéréotypes, dans la guerre de propagande contre l’incitation extrémiste, provenant de vastes portions du monde arabo-musulman.

Au lieu d’accuser tous les Musulmans, on devrait dire que cette haine extrême surgit dans des parties étendues du monde musulman. On peut observer l’accusation généralisée de tous les Musulmans dans un certain nombre de mouvements politiques racistes en Europe.

Il est important que les enfants en Israël soient alertés du fait que les stéréotypes sont des préjugés qui peuvent avoir des conséquences désastreuses si on les laisse sans entrave. Son usage historique contre les Juifs ont eu des conséquences horribles. Par conséquent les écoles devraient intégrer cette question dans leur cursus d’enseignement.

Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme. Adaptation: Marc Brzustowski. Première publication par Jforum.fr