L’énorme écart entre les discours du Président Steinmeier et le réel

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Bundespräsident Frank-Walter Steinmeier bei seiner Rede in der Holocaust-Gedenkstätte Yad Vashem. Foto Yad Vashem
Bundespräsident Frank-Walter Steinmeier bei seiner Rede in der Holocaust-Gedenkstätte Yad Vashem im vergangenen Jahr. Foto Yad Vashem
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Le Président allemand Frank-Walter Steinmeier a livré deux discours importants vers la fin janvier. Le premier a été donné lors du Cinquième Forum mondial sur la Shoah à Jérusalem, à Yad Vashem le 23 janvier. J’ai entendu, de la part de plusieurs personnes qui ne sont pas très au courant de la réalité allemande, qu’elles l’avait trouvé impressionnant. Le second a été prononcé le 29 janvier au Bundestag, le parlement allemand.

Par Manfred Gerstenfeld

A Yad Vashem, Steinmeier a déclaré, à propos de la Shoah : “Les Allemands ont tatoué des chiffres sur leurs avant-bras. Les Allemands o,nt tenté de déshumaniser des humains et à les transformer en statistiques et, dans les camps d’extermination, de balayer toute trace d’eux… Les auteurs étaient des humains. Ils étaient Allemands. Les assassins, les gardiens, les aides de camp des aides de camp, les collaborateurs étaient Allemands. Le meurtre de masse industriel de 6 millions de Juifs, le plus grand crime dans toute l’hisotire humaine a été commis par mes compatriotes … Nous, les Allemands, avons appris à tout jamais de l’histoire”.

Steinmaeier a ajouté : “Pourtant, je ne peux pas le dire, alors même que l’incitation à la haine se répand. Je ne peux pas le dire quand des enfants juifs se font cracher dessus dans les cours d’école. Je ne peux pas le dire, quand, sous couvert de la soit-disant critique de la politique israélienne, l’antisémitisme brut refait surface. Je ne peux pas le dire, quand il n’y a juste qu’une lourde porte en bois qui empêche le terroriste d’extrême-droite, à Yom Kippour, de provoquer un bain de sang dans une synagogue de Halle“.

Une semaine plus tard, Steinmeier accueillait le Président israélien Reuven Rivlin au Parlement allemand, le Bundestag. Ils avaient visité Auschwitz ensemble. Steinmeier lui a dit : “Votre présence est un signe de solidarité entre nos pays, entre Israël et l’Allemagne. Et même plus que ça : je le perçois comme une obligation – une obligation de nous montrer dignes de la main qu’Israël nous tend. La réconciliation est une grâce que nous, Allemands, ne pouvions pas espérer”.

Steinmeier concluait : “”Président Rivlin, nous voulons montrer à Israël et au monde que notre pays est à la hauteur de la confiance nouvellement accordée. C’est la tâche qui nous est confiée par la mémoire. Que ce qui pourrait arriver ne surviendra pas une fois encore“.

Ces deux discours ont dérivé bien loin de la réalité. L’historien juif allemand, Michael Wolffson, a écrit une critique acerbe, juste après le discours de Yad Vashem : “Toujours les mêmes mots. Ce n’est guère une surprise que presque personne n’écoute”. Il a ajouté : “Près d’un quart des Allemands ont une origine migratoire. Beaucoup sont musulmans. La culture mémorielle actuelle de l’Allemagne s’adresse à ces Allemands qui vivaient sous le régime nazi, l’ont supporté et souffert de lui. Comme si le monde musulman dans le meurtre des Juifs durant la Seconde Guerre Mondiale n’avait pas collaboré avec les gangs d’Hitler…” Wolson fait aussi remarquer : “Comme presque personne ne mentionne ce fait, les Musulmans allemands pensent que tout ceci ne les concernent pas. Ce qui est parfaitement faux“.

Le journaliste juif Henryk Broder a écrit à propos de Steinmeier : “En mai 2017, il a déposé une couronne de fleurs sur la tombe de Yasser Arafat à Ramallah et s’est incliné devant le mausolée du dirigeant du Fatah, dont la politique a coûté la vie à des milliers d’Israéliens et de Palestiniens. A présent, il s’incline à Jérusalem devant les victimes juives des Nazis”.

Broder ajoutait : “Ce qu’il y a de remarquable dans ce “geste”, ce n’est pas seulement la chutzpah glaçante avec laquelle elle a été exécutée, mais de façon plus surprenante, que tous les médias allemands ont résisté à la tentation de conjuguer ces événements sur le plan photographique, même s’il y avait suffisamment de bonnes images des deux (événements)“.

La totalité du texte de Frank vaut vraiment la peine d’être lu, mais on ne peut que le reproduire partiellement ici. En conclusion, il écrit : “Le Président Fédéral Frank-Walter Steinmeier s’incline devant les meurtriers de Juifs. Le gouvernement fédéral les soutient largement et verse leurs pensions. Même si une députée enquête sur la politique du gouvernement d’Allemagne Fédérale au Proche-Orient, elle ne reçoit pas de réponses, ni complètes ni véridiques. Le Gouvernement Fédéral et le Président fédéral n’ont de cesse de parler de la protection  des vies juives et de se tenir aux côtés d’Israël, mais face à la vérité, ils se rangent toujours du côté des ennemis d’Israël et continuent de soutenir les meurtriers de Juifs. Ils contribuent à faire de meurtriers des partenaires respectables du parquet diplomatique et à faire que la machine d’extermination soit plus efficace, par le biais de l’argent allemand. En même temps, ils miment être les meilleurs copains d’Israël…“.

Le discours de Steinmeier au Bundestag était l’introduction d’un autre bien plus long prononcé par le Président israélien Reuven Rivlin. Steinmeier disait que l’Allemagne voulait montrer à Israël et au monde qu’elle était à la hauteur de la confiance nouvellement accordée. Rivlin aurait pu, dans un style diplomatique, touché un mot des points que Frank a soulevé dans son article. Pourtant, parmi eux, il n’a mentionné que la question du Hezbollah. Le discours de Rivlin reste malheureusement bien pâle comparé au ton de l’article de Frank. Je ne suis pas en train de suggérer qu’il aurait dû embaucher Frank comme rédacteur de son discours. Pourtant, Rivlin aurait bien mieux servi les intérêts d’Israël s’il avait au moins fait bon usage d’un pourcentage raisonnable des remarques de Frank, citées ci-dessus.

Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme. Adaptation: Marc Brzustowski. Première publication par Jforum.fr