Combattre les votes antisionistes de l’Allemagne à l’ONU

0
Mohammad Javad Zarif und Frank-Walter Steinmeier im Februar 2016 in Teheran. Foto Tasnim News Agency, CC BY 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=51414266
Mohammad Javad Zarif und Frank-Walter Steinmeier im Februar 2016 in Teheran. Foto Tasnim News Agency, CC BY 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=51414266
Lesezeit: 5 Minuten

Le Centre Simon Wiesenthal (CSW) de Los Angeles publie une liste annuelle des dix pires incidents antisémites et anti-israéliens mondiaux [1. http://www.wiesenthal.com/assets/pdf/top-ten-anti-semitic.pdf]. En 2019, Christoph Heusgen, Ambassadeur d’Allemagne auprès de l’ONU, se situe en septième place. L’Allemagne est actuellement membre du Conseil de Sécurité de l’ONU [2.http://www.jpost.com/Diaspora/Antisemitism/German-UN-ambassador-makes-list-of-worst-antisemiticanti-Israel-incidents-610660 ].

Par Manfred Gerstenfeld

Dans son texte d’argumentation, le CSW a cité un éditorial issu du plus grand quotidien d’Allemagne, Bild. Heusgen a mis en scène 16 votes anti-israéliens à l’ONU en 2018, en s’abstenant une fois. En 2019, il a voté pour 9 résolutions anti-israéliennes, incluant  l’une d’entre elle qui homologuait les sites les plus saints de Jérusalem comme “Territoire Palestinien occupé”. Il s’est abstenu tyrois fois et ne s’est opposé qu’à une seule résolution anti-israélienne.

En expliquant l’un de ses votes anti-israéliens, Heusgen a fait une déclaration à la tribune de l’ONU, qui était à la fois, totalement absurde et parfaitement ignoble : “Nous pensons que la loi internationale est le meilleur moyen de protéger les civils et de leur permettre de vivre en paix et en sécurité sans crainte des bulldozers israéliens ni des roquettes du Hamas”.

En mars 2019, Bild a écrit une réponse à la déclaration d’Heusgen, comparant les roquettes palestiniennes aux bulldozers israéliens. On pouvait lire : “Cette équivalence est de la pure malveillance. Cela même, au cours d’une semaine durant laquelle la population israélienne a fréquemment dû fuir à cause des tirs de roquettes lancées par les terroristes du Hamas. La référence aux bulldozers, cependant, est une mesure qu’a prise le gouvernement israélien contre la construction illégale qui concerne principalement les Palestiniens, mais aussi les implantations (non-autorisées) israéliennes[3. https://www.bild.de/politik/ausland/politik-ausland/deutscher-uno-botschafter-provoziert-hitzige-debatte-um-gaza-konflikt-60895806.bild.html]“.

Après l’apparition du nom d’Heusgen sur la liste du CSW, le gouvernement allemand a tenté de le blanchir. Une porte-parole a déclaré qu’il était absurde de relier  Heusgen à de l’antisémitisme. Elle a tenu à souligner que lorsque Heusgen vote sur des résolutions concernant Israël, il le fait sur instructions de son gouvernement. En outre, elle a fait valoir que Heusgen est un diplomate qui, “au fil des années, et avec une grande passion, a pris une position contre l’antisémitisme”. La porte-parole a ajouté : “L’Ambassadeur Heusgen est un diplomate de premier plan qui s’implique dans des relations sécuritaires et historiques avec Israël, à l’instar de la République d’Allemagne[4. http://www.zeit.de/politik/ausland/2019-12/christoph-heusgen-israel-antisemitismus-vorwuerfe-un-botschafter?wt_zmc=sm.ext.zonaudev.facebook.ref.zeitde.share.link.x]“. Cette dernière proposition n’a pas permis de clarifier plus de points, pour ces observateurs qui ont des doutes concernant l’engagement de l’Allemagne envers Israël. Et même si Heusgen votait en fonction des instructions du gouvernement, la comparaison effectuée entre les actions du Hamas et celles d’Israël était bel et bien de son cru.

Le CSW  a reçu le soutien d’Uwe Becker, le Maire de Francfort, qui se trouve également être le Commissaire à l’Antisémitisme pour l’état fédéral de Hesse. Il fait remarquer que : “La comparaison utilisée par Heusgen entre les actes d’Israël et le terrorisme du Hamas porte préjudice à la solidarité avec Israël et est malheureusement apte à promouvoir les formes d’antisémitisme en lien direct avec Israël”. Becker a ajouté : “L’apparition de M. Heusgen sur la liste du Centre Simon Wiesenthal représente plus qu’un carton jaune pour le comportement électoral de l’Allemagne aux Nations Unies”. Il a insisté : “L’Allemagne doit montrer plus de solidarité envers Israël aux Nations-Unies et rejeter de façon décisive les résolutions anti-israéliennes à l’avenir[5. https://www.jpost.com/International/German-commissioner-says-Merkels-envoy-boosting-antisemitism-at-UN-610933]“.

L’Ambassadeur d’Israëk en Allemagne, Jeremy Issacharoff, a livré une déclaration trouble, qui n’a fait qu’ajouter à la confusion dans cette situation :  “Nous pouvons parfois avoir des  divergences sur les questions politiques et cela ne signifie pas qui si quelqu’un est en désaccord avec nous, il est antisémite”.” Issacharoff a ajouté qu’il pense que “les gens devrait être très prudents en accrochant certaines étiquettes à d’autres personnes, en particulier quand il s’agit de l’accusation d’antisémitisme“. 

Même s’il n’avait pas prononcé sa comparaison immorale, Heusgen ne peut pas prétendre qu’il est exempt de responsabilité, puisque le vote anti-israélien de l’Allemagne à l’ONU des Ambassadeurs n’est pas effectué par des robots. Les êtres humains ont la  responsabilité personnelle de leurs actes, comme ceci est clarifié par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme à l’ONU;

Le fond du problème, et le plus important, cela dit, reste l’Allemagne en tant que telle. La définition de travail sur l’antisémitisme de l’Alliance Internationale pour le Souvenir de la Shoah (IHRA) est acceptée pour des usages internes par l’Allemagne[6. http://www.dw.com/en/german-government-adopts-international-anti-semitism-definition/a-40608166] . Son soutien massif aux résolutions antisionistes à l’ONU, alors qu’aucune série de résolutions n’existe  contre aucun autre pays, sans parler d’aucune démocratie, est un acte antisémite, selon cette même définition[7. http://www.holocaustremembrance.com/working-definition-antisemitism].

On doit même  analyser les votes antisémites de l’Allemagne à l’ONU sous un jour encore plus négatif que ceux des autres pays européens. Cela est dû au caractère génocidaire des crimes commis par ce pays au cours de la Shoah, durant la génération des grands-parents de l’actuelle.

Peut-être qu’une réponse utile à chaque vote anti-israélien de l’Allemagne à l’ONU pourrait consister à republier le récit de l’un des crimes presque sans limite commis contre les Juifs au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Pour donner un exemple: au prochain, vote d’Heusgen contre Israël, on pourrait rendre public les meurtres allemands dans la ville polonaise de Przemysl. C’est un choix particulièrement adéquat, à cause du fait que ces assassinats se sont déroulés très tôt. Cette ville a été occupée pour la première fois par les Allemands le 15 septembre 1939. Entre le 16 et le 19 septembre, les Nazis ont exécuté plus de 600 Juifs. Par la suite, la majeure partie de la ville a été confiée à l’Union Soviétique. Avant leur retrait, les Allemands ont incendié la vieille synagogue, la maison de prières hassidique, la Synagogue Tempel et d’autres parties du quartier juif.

Au cours de la guerre contre l’Union Soviétique, les Allemands ont reconquis Przemysl, le 28 juin 1941. Au cours des années suivantes, la quasi-totalité des Juifs ont été assassinés. Sur environ 17.000 Juifs vivant à Przemysl quand les Allemands sont arrivés la seconde fois, à peine 300 ont réussi à survivre à la guerre[8. http://www.holocaustresearchproject.org/ghettos/przemysl.html].

Si de nombreuses organisations et individualités participent à une telle campagne de publicité, chaque fois que l’Allemagne vote contre Israël à l’ONU, son gouvernement pourrait commencer à réfléchir à deux fois. Ils pourraient se demander si ce vote vaut la peine de provoquer un renouvellement de publicité sur les horribles crimes de la génération de leurs ancêtres.

Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme. Adaptation: Marc Brzustowski. Première publication par Jforum.fr